BACHELIER…
Après une journée passée à essayer d’être serein et de me vider l’esprit de la pression, le moment approche petit à petit…j’y pense à chaque instant malgré tout…quand je fais les soldes avant d’aller au lycée, je croise une connaissance du lycée, ça me rappelle le bac. Quand je suis dans les rues d’Epernay, je croise Camille, très charmante fille…ça me rappelle le bac… et le temps avance toujours… :
17h30 : j’arrive devant le lycée. Je vois d’abord « doudou », « Marco », « Titi » et Jordan. Puis « Dim », « Antho », et d’autres. Petit à petit, la pression monte. Jordan est fébrile, plus ou moins comme nous tous. J’essaye de paraître serein, sur de moi. Mais intérieurement, il est vrai, je tremble un peu. Et si je devais aller au rattrapage ? Je n’ai rien révisé en conséquence… et si même, j’étais éliminé ? Non, ce n’est vraiment pas envisageable… Je n’ai pas le droit à l’échec : j’ai réussi.
17h45 : je décide de me rapprocher de l’entrée du lycée. Les autres n’osent pas : trop inquiets. Seul Titi me suit. J’essaye toujours de paraître calme. Cependant, la tension augmente de plus belle. Et puis, un ange, mon ange déchu, Alexie, passe devant moi, juste derrière Titi. Il ne la voit pas, je lui dis « Titi, fais attention derrière toi, laisse la passer ». Il se retourne, et répond « Oh, c’est pas grave… ». « Non, Titi, on doit être gentleman… ». Alexie se retourne, et me montre du bout du menton à une de ses copines que je ne connaissais pas. Sans doute pour lui dire « tiens, c’est lui le gros conn*rd dont je t’ai parlé »…
18h00 : la porte s’ouvre, on entend un bruit d’ensemble, des murmures, des cris, de détresse ou de joie, des pleurs, des rires…Cette fameuse séance inoubliable…Quant à moi je joue des épaules. Quitte à écraser certains au passage, je ne pense pas à ça… je cherche mon nom, mon regard parcours à toute vitesse les tableaux. Mais très vite je repère la bonne feuille : juste au dessus du nom de Dimitri, le mien, Pierre-Yves CABY. Mais à côté du nom, pas de « B », même pas de « AB » : pas de mention donc. Mais le principal, c’est de l’avoir…
Je sors, je réponds aux amis qui me demandent si je l’ai. Je respire, soulagé. Cependant, pour être bien sur, je retourne aux tableaux : oui j’y suis bien. Et j’en profite en même temps pour sentir, m’imprégner, de cette masse qui chauffe, se bouscule, qui tremble et qui rugit. Moment intense… insaisissable, jouissif. On s’abandonne à l’ivresse de la réussite : les épaules se relâchent, le sourire apparaît, on se sent léger…
Les copains l’ont : on se serre dans les bras. On saute, on cri de toutes nos forces. Pour profiter…de ces minutes exceptionnelles…
Je vais voir mes parents, restés sur l’autre trottoir. Papa me demande « alors ? » ; je réponds en levant les bras avec un air de banalité : « ben je l’ai ! ».
Mélange d’intense joie, et de « victoire » modérée en même temps : c’est le bac, pas le diplôme d’une grande Ecole, et puis, je n’ai pas de mention. Pas de raison donc pour se laisser griser…loin de la.
Je vois Titi et Timothé qui entrent dans le lycée, je les suis. Ils partent chercher leurs résultats. Dans le hall, des profs, les c.p.e., des pions. Je vois Polin le surveillant : « heureux de te dire qu’on se reverra pas l’année prochaine ! Tu vois, même moi j’ai réussi à l’avoir du premier coup ! ». Réponse : « oui, mais si tu l’as, c’est parce que tu as travaillé pour ». Je souris. Ça fait trois ans que certains surveillants, certains profs, mes différents c.p.e. me disaient que je ne travaillais pas assez (ce qui fut souvent le cas c’est vrai) et qui dirent parfois même que j’étais incapable d’avoir le bac du premier coup. Petite vengeance… tiens, justement, je croise M. Quentin, ce « cher » prof d’Anglais de Première et surtout de Seconde, avec qui j’étais en conflit permanent. Un grand sourire hypocrite apparaît sur mon visage…
Je rejoins donc Titi et Tim. Titi a tout juste 10,00 et Tim a mention « bien ». On partage ces moments, je discute avec un inconnu, j’appelle mes grands parents, je sautille dans les couloirs. Toutes les connaissances que je croise, toujours la même question « alors, tu l’as ? », souvent la même réponse « oui ! », suivi d’un sourire, d’une accolade, et c’était parti.
Je pars ensuite chercher mon dossier accompagné de mes notes. La je vois d’abord Alice, une fille de ma classe, la gorge nouée qui me demande si j’ai réussi. Elle est contente pour moi. Mais elle ? Eliminée directement. Elle se met à pleurer. Je la prends dans mes bras… Ensuite une autre fille, qui se met à hurler un grand coup : elle était redoublante et était à nouveau éliminée… Dans ce grand moment de bonheur qui était le mien, je partageais leur douleur… mais c’est parfois le prix d’une année passé à se contenter à déconner…
Je vois ensuite mes notes : des notes attendus, des surprises, bonnes et mauvaises :
2 en allemand : je m’y attendais, même si j’aurai espéré avoir « au moins » 4 !!
8 en écrit d’anglais : je pensais avoir ça, je ne m’étais donc pas trompé.
10 à l’oral d’anglais : un peu déçu, j’imaginais plutôt un 11 ou 12
12 en philo : ma grosse déception…
13 en littérature : ma grosse surprise !! J’imaginais plutôt un 7 ou 8 !!
18 en histoire-géo : pas vraiment une surprise, mais je n’avais pas osé imaginer une telle note quand même !
Cependant j’ai du mal à avalé cette note en philo…
Je croise mes profs : d’abord M. Schaeffer, ce formidable prof d’anglais.
« Ah je te cherchais justement Pierre-Yves !! Alors heureux ?! Félicitations !! ». Merci monsieur. Sans doute que sans vous, ce bac, au moment où je vous parle, je ne l’aurais pas eu. L’anglais qui s’annonçait depuis plusieurs années comme épreuve catastrophe pour le bac ne m’a pas coulé. J’ai certes bossé (quoique j’aurai pu faire beaucoup plus dans l’année…) mais vous m’avez vraiment donné le goût et l’envie de bosser cet anglais. Merci monsieur, vous êtes un prof, et aussi et avant tout, un homme de grande qualité.
Puis je vois aussitôt derrière M. Fis, le prof de philo sympathique et marrant malgré lui !! Il me félicite, je lui serre la main. C’est la distribution des remerciements, des poignées de main, des sourires, des accolades… dans la cohue du lycée.
Je rencontre aussi M. Bodovillé, le prof d’Histoire qui me dit bravo mais aussitôt continue : « tu l’as juste eu quand même, tu t’en sors bien ! ».
Après avoir appelé mes grands parents, envoyé un sms à mon frère Jean-Baptiste, voila que c’est ma chère cousine Hélène qui m’appelle. Elle est contente pour moi. Elle me conseille de bien profiter du moment, de prendre une cuite même !! lol !!
Oui, je profite…mais un profit pur…simple…je jette un dernier coup d’œil à l’intérieur du lycée, et je sors, je respire… une page se tourne…
Adieu Léon, adieu ceux que j’ai appréciés, aimés, presque détestés… Adieu cette atmosphère unique avec ses « années lycées » exceptionnelles, adieu tout ça…
Bonjour Lyon, bonjour la fac de Sciences-Politique et de Sociologie, bonjour mes futurs ami(e)s, connaissances, petites amies…
Moment très spécial…